Le matin qui suivit le voyage de Roswyn à Ethyria, la jeune fille s'éveilla très tôt malgré une nuit plutôt mauvaise. En effet, elle avait rêvé qu'une horde de soldats éméchés la poursuivaient à travers les rues de la capitale afin de se saisir d'elle et la frapper. Chaque fois que l'un d'entre-eux s'approchait trop près, elle pouvait sentir avec dégoût son haleine avinée et lorsqu'enfin il allait s'emparer d'elle, en poussant un rire démoniaque, un vieux druide apparaissait subitement et faisait disparaître l'ivrogne à l'aide d'un bâton magique.

   Maintenant qu'elle était bien éveillée, elle essuya son front encore tout empreint de transpiration et, pensive, alla s'asseoir sur le bord du lit.

   - Aethelwyn... Ce nom lui revint à l'esprit, elle se souvint des dernières paroles de l'elfe :

   - Tu demanderas au vieux Gunther de te conduire à moi, c'est une ancienne connaissance. Tu n'auras qu'à lui dire ''L'Elfe Aethelwyn désire me voir dans sa demeure''. N'oublie pas mon nom, Aethelwyn.

   Que voulait donc dire cet homme ? Roswyn se rappela également que l'Elfe lui avait promis un cadeau quand elle irait le voir ! Non vraiment elle ne comprenait rien à tout ceci et elle n'avait même pas pu poser une seule question à cet Aethelwyn, celui-ci ayant disparu comme par enchantement avant qu'elle n'ait eu le temps d'ouvrir la bouche...

   Encore toute perdue dans ses pensées, la jeune fille fit sa toilette, s'habilla en hâte et passa dans la cuisine où elle prit son repas du matin : un quignon de pain et un morceau de rôti de porc que Manon avait cuit la veille. La maison était silencieuse, les autres frères et sœurs de Roswyn étaient à Naryth chez Elisabeth. Celle-ci avait en effet proposé à Manon d'emmener avec elle les enfants afin de rendre moins pénible la charge que devait supporter la mère de Bertrand et Roswyn. Ce matin là, Roswyn ne vit pas sa mère, celle-ci était déjà sortie pour se rendre chez la couturière, là où elle travaillait. La jeune fille se souvint que son frère Bertrand devait passer dans la matinée afin de l'entraîner au maniement de l'épée. Elle fit la grimace... Certes Bertrand était gentil et patient, mais Roswyn savait que ce type d'arme n'était pas fait pour elle, elle ne serait jamais une bretteuse confirmée à l'égal de son frère, elle qui déjà avait de la peine à parer convenablement un coup. Cette fois, elle était décidée, elle dirait à Bertrand qu'elle allait arrêter cet entraînement inutile. Son habileté à la lutte et au combat de rues lui semblait plus que suffisante pour pouvoir se défendre et en découdre avec quiconque voudrait la harceler, du moins le croyait-elle.

   Plutôt que d'attendre la venue de son frère, Roswyn décida d'aller le rejoindre au corps de garde d'Ilos où elle avait hâte de lui parler des événements de la veille. Elle était curieuse, elle irait voir le vieil elfe et elle était bien décidée à convaincre Bertrand de l'accompagner. Elle passa tout d'abord prévenir sa mère de son départ puis s'en alla rejoindre son frère.

   L'histoire que lui conta Roswyn éveilla l'intérêt et la curiosité de Bertrand. Il alla voir le bailli et lui parla d'Aethelwyn.

   - Je sais que cet Elfe habite dans une large clairière vers le centre de la forêt de Nooren, répondit le bailli, il a quitté sa tribu depuis de nombreuses années et s'est installé là-bas où il vit en ermite. D'aucuns disent que c'est un saint homme et d'autres avancent qu'il est un grand mage mais tous s'accordent à reconnaître en lui un personnage des plus respectables.

   Les paroles de messire Aldebert finirent par convaincre le frère et la sœur qu'une visite à l'Elfe Aethelwyn s'imposait réellement, Roswyn désirait ardemment savoir pourquoi le Blanpeau désirait la rencontrer en sa demeure.

   Ils allèrent donc voir Gunther, le paysan d'Ilos, pour lui faire savoir que l'Elfe demandait qu'il emmène Roswyn jusqu'à lui à travers la forêt.

   - Le voyage vous coûtera dix pièces de cuivre, annonça Gunther d'une voix mielleuse.

   - Veux-tu que je prévienne le bailli que tu te livres à du braconnage dans la forêt, lui répondit sèchement Bertrand, et que tu revends la viande de cerf à un prix abusif aux habitants du bourg ?

   - Je vais chercher la charrette et les bœufs, rétorqua le paysan sans répondre à la menace du frère de Roswyn, attendez-moi ici.

   Le voyage à travers la forêt se passa sans encombres et c'est en fin journée que les voyageurs atteignirent la clairière où se dressait une modeste cabane en bois ainsi qu'un petit baraquement devant servir de range-tout. Dès que Roswyn frappa à la porte d'entrée de la demeure, une voix forte et assurée cria de l'intérieur :

   - Entre, je t'attendais.

   Bertrand et sa sœur se regardèrent stupéfaits et entrèrent lentement dans la cabane d'Aethelwyn. Celle-ci se composait de deux pièces toutes simples, une cuisine et une chambre où l'Elfe devait passer ses nuits. Une faible lueur provenant de deux petites torches insérées dans des supports en fer accrochés à des murs opposés, permit aux voyageurs d'apercevoir, assis à une table, le Blanpeau qui, levant la tête, les fixa de ses yeux clairs pour mieux les dévisager.

   - Tu es venue, dit-il à Roswyn et ton frère t'accompagne, c'est bien, nous allons pouvoir parler maintenant.

   Puis, s'adressant à Gunther, il lui dit :

   - La nuit va bientôt tomber, tu peux loger dans le baraquement à côté, un repas et un lit t'y attendent. Tu reconduiras ces jeunes gens demain matin, je te dédommagerai pour ta peine.

   Bertrand dit alors à l'elfe :

   - C'est vrai que vous nous devez quelques explications, ma sœur et moi-même sommes venus pour vous entendre.

   - C'est une longue histoire, répondit Aethelwyn, étrange et étonnante à la fois, mais asseyez-vous donc, je sais que vous êtes curieux de savoir pourquoi j'ai invité Roswyn à venir me voir mais je dois commencer par le début.

   Vous savez que les humains nous nomment les Blanpeaux, nous les Elfes des bois. Je suis moi-même originaire de la tribu des Sedes-odaï dans la partie orientale de Meruvia. Je me suis établi dans cette région il y a très longtemps, bien avant l'accession au trône de l'usurpateur. Depuis plusieurs années j'attends ici et j'observe les signes qui pourraient annoncer l'avènement de la prophétie.

 

                                                                         Entre, dit-il, je t'attendais...

 

   Roswyn et son frère se regardèrent furtivement, l'air étonné. Bertrand voulut parler mais Aethelwyn leva lentement sa main droite et dit :

   - Laissez-moi continuer, je vous prie, je répondrai à toutes vos questions par la suite. Il existe en effet une vieille prophétie qui se transmet depuis plusieurs générations parmi les Elfes et qui annonce que c'est une jeune femme humaine, originaire d'Ethyria qui réunira les trois tribus elfes, et qu'à leur tête, elle chassera un usurpateur du trône de Meruvia et reprendra le titre royal lui revenant de droit. Certains faits me font penser que cette jeune femme pourrait être toi, Roswyn.

   - Je ne vois pas en quoi suis-je concernée, dit alors Roswyn, je suis née à Ilos et non à Ethyria. En outre, je suis fille de paysan et non fille de roi.

   - Peut-être, lui répondit l'Elfe, peut-être... Je me pose moi-même de nombreuses questions. Mais cependant la prophétie commence en ces termes :

   ''Pendant le règne de l'usurpateur, une jeune fille vivant à Ilos, viendra en aide à un druide de la tribu des Sedes-odaï, agressé par un garde royal dans la capitale Ethéria. Cet enfant, sauvée de la mort lors de l'assassinat de ses parents sera déclarée Elue par Ellen et Aziza pour reprendre le trône qui lui reviendra de droit.''

   - Or, continua Aethelwyn, tu es intervenue hier en ma faveur afin de me protéger du garde et depuis, des tas de questions trottent dans ma tête. Es-tu oui ou non l'Elue, je ne le sais pas encore. Pour que la prophétie se réalise en entier, cette jeune fille devra aussi réunir les trois tribus du peuple blanpeau en une seule nation elfique afin de chasser l'usurpateur.

   Bertrand, qui semblait réfléchir intensément intervint dans la conversation.

   - Ma sœur est une fille de paysan, de notre père Jeanjean maintenant décédé et de notre mère Manon vivant aujourd'hui à Ilos. De plus, elle n'a que seize ans, comment pourrait-elle réunir en une seule nation les tribus elfes qui sont toujours en train de se chamailler sinon se combattre pour un oui ou pour un non ?

   - Le temps nous en dira plus, répondit Aethelwyn. En attendant, je te dois un cadeau dit-il en s'adressant à Roswyn encore toute remuée par cette révélation.

   Le vieil Elfe se dirigea vers la seconde pièce de la chaumière et revint un moment plus tard avec un objet à la main. Bertrand et sa sœur sursautèrent en même temps.

   - Mais c'est un arc elfique, un arc long... Mais quelle magnifique pièce, s'écria Roswwn avec un sourire très expressif.

   Puis s'adressant à son frère, elle lui dit :

   - En tout cas, je préférerais ceci à l'épée avec laquelle tu essaies de m'entraîner. Mais, ajouta-t-elle envers l'elfe, je ne sais pas me servir d'un arc non plus.

   - Je t'apprendrai, répondit Aethelwyn, bientôt tu t'en serviras aussi bien qu'un Elfe.

 

 

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